jeudi 25 décembre 2008

LA FEMME SANS

La femme sans, de Madeleine Chapsal.
"Je suis une femme sans - c'est-à-dire une femme sans enfant.
Longtemps je n'en ai pas souffert, du moins du fait des autres : après tout, jusqu'à un certain âge on peut encore se reproduire. Mais, quand la réalité de ma stérilité s'est avérée, a commencé la lente, insidieuse, inflexible répudiation. De la part des hommes, déjà, qui, pour la plupart, veulent une descendance et considèrent par-dessus tout "la mère de leurs enfants". De la part des frères et sœurs, qui cherchent à vous déshériter et parfois y parviennent, puisque vous êtes incapables de transmettre à ceux de votre sang.
Or la femme sans est indispensable à une société. Elle a un rôle, une fonction : elle gère, éduque, informe, elle est la confidente des couples et surtout des enfants.
Et elle crée : nos plus grandes artistes étaient et sont souvent des femmes sans.
Continuer à la persécuter ou à la rejeter comme aux temps anciens relève de l'antiféminisme primaire et va contre le bonheur de tous.
Ce livre est le récit de mon histoire et de celle de bien d'autres qui, souvent, souffrent comme moi."

Je ne suis pas spécifiquement une femme stérile mais de nombreux critères entrent en compte dans le fait que je n'ai pas d'enfants. Un passé tortueux, qui a conduit à une mauvaise "gestion" des hormones, on va dire, à un blocage inconscient et le fait sûrement de ne pas avoir rencontré l'homme avec qui j'aurais voulu avoir un enfant. Certes, j'ai été mariée, et cela aurait pu m'amener à un certain équilibre, mais cela n'a pas suffi. Sauf une fois. Il y a plus de quatre ans.
C'est cela qui est peut-être le plus terrible. Savoir que l'on était capable de procréer. Et ne pas y avoir réussi. Je travaillais. J'avais un corps transformé à l'intérieur. Dans ma famille, les femmes n'ont pas les nausées que connaissent la plupart des femmes enceintes. J'ai appris plus tard que ce n'était pas forcément bon signe car cela est le "signe" d'une plus forte "chance" d'avoir une fausse couche.
Donc, heureuse, incroyablement heureuse, amoureuse de la terre entière, débordant d'amour : ce furent les premiers signes, signes que je ne connaissais pas. Puis, une formidable énergie, un appétit un peu moins important : le second signe. Que je ne connaissais pas.
Enfin, le bout des seins beaucoup plus sensibles, parfois douloureux, ce qui m'amena à acheter en "cachette", un test de grossesse, que je fis, en plein milieu de journée. Et bien positif ! J'appelle mon médecin traitant pour lui demander si ces tests sont fiables et pour qu'il me prescrive un test sanguin. J'appelle ensuite mon mari pour lui annoncer la nouvelle, mon médecin m'ayant dit que si le test était positif, c'était plus fiable dans ce sens qu'un test qui dit que c'est négatif.
Première déception. Cela n'a pas l'air de le porter aux nues. Mais il est comme ça. Il n'extériorise pas. Peut-être qu'il n'y croyait plus.
Je garde ma joie donc pour moi.
Je fais le test sanguin, et donc, confirmation d'une grossesse qui doit dater de deux semaines environ.
Je prends rendez-vous chez mon gynécologue. Premiers examens. Je suis déjà immunisée contre la toxoplasmose et la rubéole. J'aurais dû avoir toutes les chances de mon côté !
Mais je suis de rhésus négatif.
Petit accrochage au boulot. Première contrariété.
Premières douleurs.
Premières pertes de sang.
Rendez-vous chez le gynécologue : le verdict tombe, je dois rester couchée, en faire le moins possible. il n'y a rien de plus dur, en début de grossesse, que de ne pas pouvoir bouger !
Tant que je sens que quelque chose vit en moi, ça va.
Au bout d'un moment, je n'ai plus rien senti. Et j'ai commencé à bouger. Je savais.
C'est parti, un beau matin, un lundi, dans les toilettes. Je vais réveiller mon mari. Le lui dire.
Partager.
Mais comment peut-on partager cela ? Surtout avec un homme.

Le plus décevant, cela a dû être mon gynéco quand même... Qui me demande si tout est parti (!) et me donne un rendez-vous pour le vendredi !
Mardi, je dis à mon mari que j'ai trop mal, qu'il aille à la pharmacie, ce qu'il fait et où on lui dit de m'amener à l'hôpital d'urgence. Ce que nous faisons. Effectivement, il restait "quelque chose". Le médecin des urgences gynécologiques de l'Archet me donne un médicament pour "évacuer" ce qu'il reste et un antalgique, pour la douleur. Et, le plus important pour moi, un médicament parce que je suis de rhésus négatif !

Alors, une femme sans ? Mais le monde est rempli d'enfants, d'enfants maltraités par la vie, d'enfants sans maman, d'enfants à combler d'amour.
Arrivée à un certain âge, se dire qu'on laisse aux autres tous les soucis d'élever son enfant... Cela ne console pas, c'est sûr, mais cela fait partie de la vie. Alors, donner son amour, à tous ces petits êtres que la vie semble avoir oublié... Ne pas oublier que l'on est que ce l'on est. Aimer plus fort que d'être aimé, comme le chantait si bien Balavoine...

Aimer plus fort que d'être aimé...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton histoire est émouvante Flo! Difficile certainement d'évaluer ta souffrance mais je pense quand même pouvoir te comprendre moi qui suis maman de 3 enfants...
Ton commentaire m'a fait très plaisir et je suis contente que tu te rapproche tes tiens! Un jour ou l'autre, on a des regrets et c'est souvent trop tard!
Je te fais de gros bisous et je te souhaite beaucoup de belles choses!
Tu es pleine de vie, Flo, profites!

Fleurdeblog a dit…

Qu'est-ce qui peut faire souffrir le plus ? Le fait d'être stérile ou le fait de ne pas mener à terme une grossesse ? Et de ne pas arriver à retomber enceinte ? Oh! j'entends les critiques de certaines personnes qui pourraient dire qu'a u moins j'aurais pu suivre un traitement ! J'en ai essayé un, et je ne l'ai pas supporté. Ensuite, cela ne dépendait pas que de moi.
Et puis là, j'ai eu une chance d'avoir fait une fausse couche assez tôt, pour éviter un curetage ou autre "brutalité" mais n'empêche que mon gynéco était un con !

Merci d'avoir eu le courage de laisser un commentaire, ce qui n'est pas le cas de beaucoup de personnes. C'est plutôt le genre de sujet qu'on évite... Par pudeur, par peur de blesser l'autre, par peur d'être maladroit.

Je pense qu'avec la vie, on apprend la sagesse. Pour moi, il faudra encore un peu de temps....

Gros bisous

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

Mon histoire a commencé un peu du même facon que la tienne, mais j'avais déjà une fille alors. J'avais perdu un ensuite dans les couloirs de métro de Paris, sans savoir même que j'étais enceinte, puis, j'ai enfin attendais de nouveau.

Je suis restée deux mois au lit, mais j'ai eu de chance et mon fils s'est accroché.

Chacun de nous a son voie, son destin, nous faisons ce que nous pouvons. Je peux seulement te dire, que le peur au ventre ne m'a jamais quitté tout à fait depuis.

Tu n'est pas stérile et tu n'est pas la seule qui n'ont pu mener à terme une grossesse. Et tu as raison, plus cela arrive tard, plus c'est dur. Ma mère avait perdu un potentiel grand frère a moi, à cinq mois et sa vie n'a jamais été la même. Mon arrière grand mère a eu sept enfants dont une fille mort soudain à deux ans: à 92 ans elle pleurait encore en parlant.

Chacun de nous a d'autres chagrins dans son âme, mais pouvoir les partager, en parler, nous soulage et nous comprenons davantage à ne pas être seules.

Fleurdeblog a dit…

Merci de ton témoignage, Julie, j'en suis vraiment touchée. Ce n'est pas forcément facile pour une femme d'en parler.
Je t'embrasse tendrement